L'olympe des infortunes by Khadra Yasmina

L'olympe des infortunes by Khadra Yasmina

Auteur:Khadra, Yasmina [Khadra, Yasmina]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Algérienne
Éditeur: Hello à tous - TAZ
Publié: 2012-07-25T10:32:17+00:00


11

En marchant sur la falaise, avec l’horizon en guise de théâtre opérationnel, Négus a le sentiment de conquérir une contrée à chaque foulée ; son ombre court devant lui telle une garde prétorienne. Il parade, le pas martial et les prunelles étincelantes, persuadé que le ciel n’a d’yeux que pour lui. Quelquefois, il s’arrête au sommet d’une dune, écarte les bras pour contenir la brise et pousse un cri à hérisser les poils des chiens errants tapis dans les parages. Ensuite, vidé de cette chose insondable qui lui amoche habituellement la mine, il fonce droit sur ses compagnons d’infortune en train de sombrer dans le coma éthylique au bord du Grand Rocher.

Le Pacha trône sur son siège de corbillard – que Dib a transporté à bras-le-corps du Palais jusqu’à la falaise pour montrer au patron combien il le vénère. Depuis le retour de son amant, il s’est assagi et n’engueule plus personne. Ce matin, il a mangé comme quatre, sifflé à tire-larigot deux bouteilles de gnôle et, l’œil dans les vapes, il contemple la mer comme un sultan les verts pâturages de son royaume. À ses pieds, tendrement blotti contre sa cuisse, Pipo chavire de somnolence, bercé par le roulis des vagues. Autour d’eux s’articulent, les uns bigles d’ivresse, les autres à deux doigts de gerber, Clovis, Aït Cétéra, les frères Zouj, Einstein, Dib, Junior qui a réussi à fausser compagnie au Musicien, et trois chiffonniers que le hasard a largués là simplement parce qu’il ne savait quoi faire d’eux… Tout ce beau monde se laisse fouetter par le vent, attendant du large quelque divine manifestation.

Einstein, qui s’est défait de ses vêtements, farfouille fiévreusement dans sa sacoche, une perle au bout du nez. Il ne se souvient pas où il a rangé les recettes de sa dernière potion et soupçonne un envieux de les avoir chipées. Quand Négus s’arrête à sa hauteur, il rabat aussitôt les sangles de son sac et serre jalousement contre lui son trésor de paumé.

Négus le toise avec pitié.

— Un peu de tenue, bordel, lui dit-il. T’as l’air d’un arbre en hiver. Il ne manque que la corde pour te pendre.

Dib se penche pour voir si le Pacha s’est assoupi. Constatant que ce dernier est encore éveillé, il susurre :

— C’est fou comme tu ressembles à un empereur, patron.

— Sans blague, lui rétorque le Pacha.

— Absolument, maître. T’as une de ces dégaines, ma parole ! Assis dans ton fauteuil, avec cette splendeur sur ton visage, t’as l’air d’attendre que les dieux viennent te faire allégeance… Si j’étais peintre, j’immortaliserais ta classe sur un tableau que les musées s’arracheraient à coups de millions.

Le Pacha relève le menton, bombe la poitrine ; ses narines se dilatent de suffisance.

— J’suis le roi du monde, décrète-t-il.

Dib s’enthousiasme car il est rare que le Pacha lui prête attention sans le déboulonner dans la minute qui suit. Il avance sur son postérieur de façon à se mettre en évidence, prie Aït Cétéra de se pousser sur le côté pour ne pas lui



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